Les Rendez-vous littéraires
rue Cambon invitent

Chantal Thomas

avec

Charlotte Casiraghi et Anamaria Vartolomei

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Pour la sixième édition des Rendez-vous littéraires rue Cambon, CHANEL et Charlotte Casiraghi, ambassadrice et porte-parole de la Maison, invitent l’écrivaine Chantal Thomas de l’Académie française.

Animée par l’historienne de la littérature Fanny Arama, cette conversation débute par la présentation de l’œuvre de Chantal Thomas qui explore différents genres — romans, récits historiques, essais littéraires ou chroniques — , suivie par la lecture d’un extrait de son dernier ouvrage « Journal de nage » par Anamaria Vartolomei. Ensemble, elles évoquent la libération du corps de la femme, fondamentale dans l’œuvre de Chantal Thomas.

Chantal Thomas

Chantal Thomas est romancière, essayiste, dramaturge, scénariste et universitaire. Elle a enseigné dans plusieurs universités américaines et a été nommée en 1989 directrice de recherche au CNRS, puis directrice de recherche émérite au CNRS. Spécialiste du XVIIIe siècle, elle a écrit sur Sade, Casanova, Marie-Antoinette, les salons et l’esprit de conversation. Cafés de la mémoire (2008), Souvenirs de la marée basse (2017) et East Village Blues (2019) sont des évocations autobiographiques, ainsi que Journal de nage (2022), qui raconte son amour inconditionnel pour la nage libératrice. Elle sera reçue à l’Académie française en juin 2022.

© Centre National de la Recherche Scientifique.
Cafés de la mémoire, Chantal Thomas, © Éditions du Seuil, « coll. Réflexion », 2008, Points, 2021.
Souvenirs de la marée basse, Chantal Thomas, © Éditions du Seuil, « coll. Fiction & Cie », 2017, Points, 2022.
East Village Blues, Chantal Thomas, © Éditions du Seuil, « coll. Fiction & Cie », 2019, Points, 2020.
Journal de nage, Chantal Thomas, © Éditions du Seuil, « coll. Fiction & Cie », 2022.
© Académie française.

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Chantal Thomas,
l’écrivaine buissonnière

S’il fallait un bruit pour évoquer la vie et l’oeuvre de Chantal Thomas, celui de la mer se retirant sur la plage semblerait convenir : le frôlement d’une caresse qui va et vient, incarnant la sensualité confiante de la nature et de ses promesses. On ne peut détacher Chantal Thomas des dunes qui l’ont vue naître, dont elle épouse la rondeur, qui sculptent et défont dans un même geste chacune de ses foulées graciles, chacun de ses choix téméraires que le reflux des vagues emporte vers l’inconnu. Le regard qu’elle porte sur le monde – qu’elle arpente depuis toujours – est celui d’une femme habitée par la liberté, disposée à en examiner et à en savourer tous les versants, assidûment, avec la gravité désinvolte de ceux qui se défient des folies de la raison.

Le souci de la liberté

Que garde Chantal Thomas de son enfance passée à Arcachon ? Tout, semble-t-il. Sa vivacité, sa disponibilité, sa poésie, son esprit de familiarité évidente tissée avec le monde entier. Elle la raconte par touches mémorielles dans Cafés de la mémoire (2008), Souvenirs de la marée basse (2017), Café vivre (2020) ou De sable et de neige (2021), autant d’évocations de la personnalité de ses parents, de ses désirs de jeune femme aux alentours de mai 1968, dotée de convictions et d’un esprit d’indépendance très marqués. Au fil des pages, se dessine le portrait d’une enfant sensible mais pas sentimentale, d’une jeune femme candide sans innocence, curieuse sans impatience, qu’on imagine entière quoique maîtresse d’elle-même en toute circonstance. Arcachon, Bordeaux, Paris, New York : à trente ans, Chantal Thomas a vécu plusieurs vies, de celles qui refusent tout retour en arrière. Son amour de la littérature la mène à étudier celle qui s’écrit au cours de la Révolution française, période romanesque s’il en est, pendant laquelle les tempéraments se révèlent, où les fidélités s’impriment à jamais.

Sensible aux injustices des destinées féminines qui l’émeuvent, Chantal Thomas ne cesse d’étudier et d’interroger les fondations de la misogynie des individus dans l’histoire. Pourquoi a-t-on avant tout retenu Marie-Antoinette comme « reine scélérate », légère et frivole quand il aurait fallu, selon l’opinion, être grave et responsable ? Pourquoi les Précieuses ont-elles attisé au XVIIe siècle le mépris des hommes et de la postérité qui se permettaient les mêmes excentricités, sans mériter les mêmes jugements ? Pourquoi les révolutionnaires arrêtèrent-ils la femme du Ministre de l’Intérieur, Mme Roland, plutôt que lui, elle qui mit toute son ardeur à défendre la liberté en même temps que l’honneur de toutes les femmes qui osèrent l’indépendance dans ses mémoires ? C’est ce que l’on découvre dans La reine scélérate. Marie-Antoinette dans les pamphlets (1989), Souffrir (2006), ou Un air de liberté. Variation sur l’esprit du XVIIIe siècle (2014), des essais aussi romanesques qu’érudits, qui charrient le souci de la liberté ayant toujours occupé, pour notre plus grand plaisir, l’esprit de Chantal Thomas. Dans ces nombreux essais sur le XVIIIe siècle, Chantal Thomas partage ses enthousiasmes littéraires, mais pas seulement : ceux-ci sont hissés au rang d’un art de vivre. On apprend le plaisir de souffrir avec le marquis de Sade et Sacher Masoch ; le goût brûlant de la conversation avec la placide Mme du Deffand ou l’enthousiaste Germaine de Staël ; le goût de la rébellion à travers l’écriture avec la princesse Palatine, belle-soeur de Louis XIV.

L’enchantement dix-huitièmiste

Dans Les Adieux à la Reine (2002), Le testament d’Olympe (2010) et L’échange des princesses (2013), Chantal Thomas partage sa connaissance du siècle des Lumières et transforme les déboires dynastiques en théâtre mondain. Elle évoque dans ces romans historiques les aléas et les cruautés des destins royaux, et fait renaître avec enchantement la vie quotidienne sous la monarchie, avec ses usages et ses lois, ses secrets et ses désagréments. Personne n’évoque avec tant d’entrain et de familiarité Versailles, ce pays retiré et convoité, ses jardins, ses cours intérieures, et ses escaliers dérobés. Elle parvient à décrire avec un tact de diplomate les motivations dissimulées qui font basculer les royaumes. Elle hisse ses personnages au rang de conteurs hors-pair de l’« ancienne cour » –, survivants miraculeux à la civilité surannée – celle qui, de Louis XIV à Louis XVI, détermina l’identité galante de la France et fit son prestige aux yeux des cours de Vienne, de Madrid, de Moscou ou de Scandinavie. Personne mieux que Chantal Thomas ne sait décrire la féérie du château de Versailles et de ses jardins ; parfois surfaite, parfois illusoire, mais toujours féconde. Versailles est l’antichambre de son imagination, le lieu de ses pérégrinations quotidiennes mais également celui, par le passé, où se décidait la Mode. Le lieu où une excentricité vestimentaire de la Reine pouvait se transformer en Loi.

Si le XVIIIe siècle renaît, grâce à Chantal Thomas, tel un siècle enchanté, c’est parce qu’il incarne le champ des possibles. Et peut-être, pour la première fois en France, le lieu d’une nouvelle expression de la radicalité. On l’apprend quand on découvre sous sa plume la vie et l’oeuvre du marquis de Sade, auteur controversé qu’elle a été une des premières à étudier en tant que chercheuse dans un cadre universitaire. Casanova a également une place à part dans l’oeuvre de Chantal Thomas, ce fugueur qui érigea la séduction en profession, et dont les mémoires attestent des penchants de tous les amoureux de la liberté : goût du voyage – sans bagage, mais pas sans carnet –, des départs, de la rencontre, de la profondeur dans la légèreté. Casanova et Sade se sont donnés la peine de naître hommes, et s’affranchissent avec quelque embarras, certes, des règles et des contraintes sociales, mais du moins, s’en affranchissent sans déshonneur. Ce qui est rarement le cas des femmes à la même époque, qui trouvent cependant à travers l’écriture, les salons mondains et littéraires quand elles le peuvent, une échappatoire à leur destin entravé. Les romans et les essais de Chantal Thomas nous offrent un décentrement de regard nécessaire sur la Révolution française, souvent du point de vue des femmes de pouvoir, qui en fait, n’en avaient aucun…

La nage comme rituel

Les récits autobiographiques de Chantal Thomas ressemblent aux romans arthuriens qui ont inventé le retour du personnage : tels la reine Guenièvre, Lancelot ou le roi Arthur, on y retrouve la mère Océan, avec ses marées et ses tempêtes, le grand-père Cheminot, héros de son enfance, et le père Silence, qui le garda jusqu’au bout. L’écrivaine y décrit les changements induits par l’arrivée des congés payés en 1936, la respiration que procurent les loisirs et les sports de plage, l’obsession de sa mère Jackie pour la nage, qui voulait en faire son quotidien, sans jamais la dégrader en profession.

La prédilection de Chantal Thomas pour la nage dans l’océan se conjugue à chaque page de ses ouvrages, et se confond avec la nécessité de l’écriture. Nager pour éprouver son corps, s’en faire une forteresse, l’animer au contact des éléments, avaler une gorgée d’eau salée pour savourer sa liberté reconquise à chaque brassée. Dans des pages aussi poétiques que philosophiques, Chantal Thomas nous donne une leçon de vie. Ses oeuvres nous apprennent à appréhender les remous de l’existence, à apprécier la musique du monde et ses silences, à en chérir les moments de grâce et de disgrâce. Dans son Journal de nage (2022), elle confie au lecteur ses heures les plus intimes, celles passées au contact de l’eau. Son récit porte en lui toute la profondeur de l’expérience passée de Chantal Thomas, son appétit insatiable d’horizons marins et de terre ferme. Sous l’allure insouciante d’un cahier de vacances, il nous apprend dans une langue claire comme l’eau douce à cultiver la sagesse et la beauté.

Fanny Arama

Écouter Le Rendez-vous Littéraire en intégralité

Notice Bibliographique

Cafés de la mémoire, Chantal Thomas,

© Éditions du Seuil, « coll. Réflexion », 2008, Points, 2021.

Souvenirs de la marée basse, Chantal Thomas,

© Éditions du Seuil, « coll. Fiction & Cie », 2017, Points, 2022.

Chantal Thomas, Memories of Low Tide, Translated in English by Natasha Lehrer,

© First published by Pushkin Press, 2019.

Café vivre, chroniques en passant, Chantal Thomas,

© Éditions du Seuil, « coll. Fiction & Cie », 2020, Points, 2021.

Chantal Thomas, De sable et de neige,

© Mercure de France, « Traits et portraits », 2021.

La Reine scélérate. Marie-Antoinette dans les pamphlets, Chantal Thomas,

© Éditions du Seuil, 1989, Points, 2008.

Chantal Thomas, The Wicked Queen: The Origins of the Myth of Marie-Antoinette, Translated by Julie Rose,

© Zone Books, 1999.

Chantal Thomas, Souffrir

© Payot & Rivages, 2004, 2006, 2018.

Chantal Thomas, Un air de liberté. Variations sur l’esprit du XVIIIe siècle,

© Payot & Rivages, 2014.

Les Adieux à la Reine (Prix Femina), Chantal Thomas,

© Éditions du Seuil, « coll. Fiction & Cie », 2002, Points, 2020.

FAREWELL, MY QUEEN: A Novel by Chantal Thomas. Translated by Moishe Black. English translation copyright

© 2003 by George Braziller, Inc. Reprinted with the permission of Atria Books, a division of Simon & Schuster Inc.

Le testament d’Olympe, Chantal Thomas,

© Éditions du Seuil, « coll. Fiction & Cie », 2010, Points, 2011.

L’échange des princesses, Chantal Thomas,

© Éditions du Seuil, « coll. Fiction & Cie », 2013, Points, 2014.

Chantal Thomas, The Exchange of Princesses,

© Other Press, 2015.

Journal de nage, Chantal Thomas,

© Éditions du Seuil, « coll. Fiction & Cie », 2022.

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